Bonsoir,
Je tiens à vous faire découvrir la "jeune fille à la fleur", histoire d'une photo iconique prise par Marc Riboud, un monstre de la photographie, en octobre 1967 aux US.
Cette photo est vraiment touchante, et montre le courage d'une jeune fille, forte de ses convictions, à 17 ans devant des militaires armés. Je vous raconte, ci-dessous, l'histoire de cette photo emblématique.
Le 21 octobre 1967, une marée humaine se forme dans la capitale des Etats-Unis. Avec un message : non à la guerre ! Depuis plusieurs années, l'Amérique envoie ses jeunes citoyens combattre au Vietnam, théâtre de l'affrontement à distance entre les Etats-Unis et l'URSS.
Et de cela, les pacifistes ne veulent pas. Hippies en tête, Pour interpeller le Président Lyndon Johnson, ils sont 100 000 à se rassembler autour du bassin du Lincoln Memorial, puis 50 000 à marcher sur le Pentagone.
Parmi eux, une adolescente Jan Rose Kasmir. Du haut de ses 17 ans, elle s'est jointe à la foule bruyante des contestataires et défile avec sa robe à fleurs.
Arrivés près de leur destination, les manifestants butent contre une ligne de soldats de la Garde Nationale. Jan Rose Kasmir, qui a emprunté un chrysanthème à quelqu'un, s'approche des soldats. A quelques centimètres des lames des baionnettes, elle brandit la fleur en signe de défi - un geste répandu chez les adeptes du "Flower Power", qui prônent la non-violence.
"Aucun d'entre eux n'a croisé mon regard. J'étais comme face à un mur. Mais, le photographe m'a dit plus tard qu'ils tremblaient. Je pense qu'ils étaient effrayés à l'idée de recevoir l'ordre de nous tirer dessus... Si vous regardez mon visage, je suis extrêmement triste : je venais de me rendre compte combien ces garçons étaient jeunes".
Cette silencieuse confrontation n'est pas vouée à tomber dans l'oubli. A quelques mètres de l'adolescente, Marc Riboud a immortalisé la scène.
L'instinct de Riboud a fait mouche. L'image va devenir un parfait symbole du mouvement pacifiste des "sixties", et même un véritable cas d'école pour l'analyse photographique, tant les oppositions visuelles sont nombreuses : baionnette phallique contre fleur virginale, multitude contre solidute, sombre contre clair...
De longues années s'écoulent avant que Jan Rose Kasmir prenne connaissance de la photo prise par Marc Riboud. C'est son père qui, ô surprise, découvre l'image de sa fille dans un magazine de photo acheté en Ecosse, au beau milieu des années 1980. La "jeune fille à la fleur" fera par la suite l'objet de sollicitations médiatiques, relate-t-elle au "Guardian", disant pleurer au moment de découvrir pour la première fois le cliché dans une exposition ("cela m'a ramenée à la tristesse que je ressentais à cet instant").
L'icône n'a jamais cessé de s'engager contre la guerre. En 2004, elle retrouve Marc Riboud lors d'une manifestation à Londres contre l'invasion américaine de l'Irak. Des retrouvailles immortalisées par le photographe, qui saisit alors le visage de la quinquagénaire brandissant son propre portrait daté de 1967.
En bonne photo iconique, l'image de Jan Rose Kasmir est régulièrement évoquée lorsque surgissent des clichés dans la même veine Récemment, l'image de la militante antiraciste Tess Asplund face à des néonazis, et surtout celle d'une manifestante afro-américaine se dressant face à la police à Baton Rouge ont donné lieu à des comparaisons avec la photographie signée Marc Riboud.
Signe de la place importante que tiennent aujourd'hui encore la jeune fille et sa fleur dans la mémoire collective !
www.youtube.com/watch?v=jE55BbG6W9M
A vous lire sur ce magnifique sujet.
Bonne fin de soirée
Laurence